Il paraît qu'il faut savoir soigner ses entrées. Bon. Pour l'arrivée sur Terre de Diaval, on repassera, sauf si vous trouvez classe pour un bambin haut comme trois pommes d'atterrir au milieu de nulle part et de ne trouver un refuge que plusieurs heures plus tard, le semblant de vêtement qu'il porte en lambeaux, les yeux cernés et les cheveux poussiéreux. Diaval savait ce qu'il s'était passé, plus ou moins : comme on l'apprenait aux toutes jeunes étoiles, il venait d'être envoyé pour rechercher son humain et le protéger dès qu'il l'aurait trouvé. Non pas que cela le rebute particulièrement mais … il ne voyait pas l'intérêt dans la protection des humains. De ce qu'il savait, les hommes étaient juste bons à se taper dessus en abîmant tout ce qui se trouvait autour d'eux, et en comparaison, le gamin était très intrigué par la nature sur Terre.
Aussi, après une longue nuit de sommeil et un solide repas dans l'orphelinat où il était finalement parvenu, il resta en retrait, observant d'un œil presque hagard l'agitation des autres pensionnaires. La directrice attendit la fin de la semaine pour aller demander son nom au petit nouveau d'environ 6 ans alors qu'il contemplait le paysage extérieur, perché à la fenêtre de sa chambre. Il savait qu'il s'appelait Diaval. Mais Diaval quoi ? Il avait deviné que les enfants qui n'avaient pas de nom de famille avaient souvent été abandonné. En un sens, lui aussi, mais il n'aimait pas cet air empreint de pitié qui se fixait sur les visages des rares adultes venants lorsqu'ils croisaient l'un de ces enfants. Comme s'ils étaient encore plus pitoyables que ceux dont les parents étaient décédés, ou avaient été placé dans l'espoir qu'ils aient une famille pouvant leur offrir la sécurité qu'ils n'auraient pas eue avec leurs géniteurs. Alors qu'il réfléchissait, paniquant intérieurement, l'envol d'un corbeau dehors attira son attention.
C'est ainsi que Diaval Feathers fut enregistré dans ce petit orphelinat bondé et pas forcément très reluisant.
Il aurait pu rester totalement seul. Aurait pu. C'était sans compter sur la fille d'une des riches mécènes de l'orphelinat, qui faisait régulièrement don de sommes confortables pour être bien vue. Eve, qu'elle s'appelle. Ou s'appelait, il ne sait pas trop. Il a toujours eu ce doute, cette angoisse qui lui tordait le ventre. Enfin. En tout cas, elle ne manquait jamais de venir s'isoler dans la minuscule bibliothèque inoccupée. La plupart des enfants ne prenaient pas la peine de s'y arrêter pour la simple et bonne raison qu'ils ne savaient pas lire, mais Diaval se débrouillait, et surtout apprenait vite de lui même, aussi il avait fait de la bibliothèque son repère. Aussi, la première fois qu'il vit Eve, il se montra très clairement hostile, la suivant du regard dès qu'elle bougeait. Ensuite, il se contenta de l'ignorer. Et au final, il finit par faire connaissance avec elle.
Eve fut la première vraie amie de Diaval, mais de ce qu'il avait cru deviner, son père la frappait souvent : pour une chambre mal rangée, pour une note seulement presque parfaite … Un exemple de violence injustifiée qui hérissait le garçon, qui avait du mal à comprendre. C'est une réaction complètement stupide ! Et ça pouvait devenir dangereux. C'est pour ça qu'une angoisse folle le prit à la gorge lorsque, deux ans plus tard, Eve disparu. Ces parents avaient déménagés, apparemment … Elle avait beau ne pas être son humaine, Diaval s'était attaché à elle, et avait redouté de la perdre dès que ses visites quasi-hebdomadaires avaient commencées à s'espacer. Il avait eu raison d'avoir peur, en fin de compte …
Mais cette rencontre l'avait changé, Eve lui ayant appris à s'intéresser aux humains. Du moins, surtout aux autres enfants. Les plus jeunes étaient des perles d'innocence -non Diaval n'est pas un pedo' à même pas 10 ans attendez un peu %D-, et les rares adolescents qui vivaient encore dans l'orphelinat pouvaient tous tenir des conversations plus ou moins intéressantes, plus ouverts d'esprits que la vieille peau de directrice par exemple. C'est peut être aussi pour cela qu'il s'auto-proclama responsable du petit paquet gazouillant que fut Félix a son arrivée. Et que les deux garçons se retrouvèrent à grandir côte-à-côte, Diaval se chargeant d'aider le plus jeune pour ses premiers pas, lui apprenant de son mieux les rudiments de la lecture et des mathématiques, et cédant généralement à tous ses caprices. Surtout lorsque Félix découvrit le pouvoir de la jeune étoile, qui n'avait jamais mis au courant qu'Eve auparavant, et se fit une joie de lui réclamer divers animaux à toute heure du jour et de la nuit. “Diaval Diaval, dessine-moi un mouton ! >W<” devait être la phrase fétiche de son Petit Prince, son frère de cœur. Avec le “Diavaaal, tu peux me raconter une histoire ?”. Le garçon qui avait finit par devenir un adolescent presque adulte s'exécutait toujours.
— Diaval, Diaval, raconte-moi encore l’histoire !
— Si tu veux… Il était une fois--
— Mais c'est nul tu commences toujours l'histoire comme ça !
— Mais c'est comme ça qu'il faut commencer les histoires ! Donc je disais … Il était une fois un monde à la fois tout proche et éloigné du nôtre … Un monde qui était également habité, et par des êtres que tous pensent connaître : les étoiles.
— Je sais ce que c'est ! C'est des points lumineux dans le ciel, on les vois la nuit et elles sont super beeelles >w<  
— Les points lumineux, ça s'appelle des astres. Et justement, ce ne sont pas de simples astres comme tu l'imagines … Les étoiles ont reçu la vie et la conscience, comme les humains, ainsi qu'un don unique pour chacune d'entre elles d'une entité encore plus puissante que l'on appelle l'étoile divine. Celle-c--
— Elle est belle l'étoile divine ?
— Mais comment tu veux que je sache moi, je sais pas, je l'ai jamais vue
— Comment ça tu l'as jamais vu ? Pourquoi elle t'a envoyé ici alors ?
— Je sais pas... Allez, laisse-moi continuer. Donc, l'étoile divine leur donna pour mission d'un jour descendre sur Terre et de chacune trouver l'humain qu’elles devront protéger. Car une fois leur humain trouvé, chacun doit veiller sur l'autre, sinon, si l'un disparaît, l'autre aussi …
On raconte aussi que ces humains et ces étoiles « liés » ---
— Comment ça liés ? Genre avec des cordes ? Comme les méchants ?!
— Mais non ! C'est comme … comme un fil invisible. Enfin je crois. Tu sais, comme la légende qui dit que les amoureux sont liés par un fil rouge invisible entre leurs petits doigts ? Bah pareil. Et donc, ils sont tous regroupés dans une ville faite pour eux, une ville superbe, quelque part …
Puis, Diaval a finalement passé la majorité, et Félix cavalait déjà partout du haut de ses 9ans passés. Alors, un jour qu'il reprenait ce conte pour la énième fois … :
— Et elle est où cette ville ?
— Ben tu sais quoi ? On va aller la chercher, cette ville. Ca te dit ?