En début de journée est toujours aussi fatiguant. On est tellement bien dans son lit, qu'on n'a pas envie de se lever. Sauf qu'il le faut. Surtout que je travaille et qu'arriver en retard, ce n'est pas dans mes options. J'ai donc levé mes fesses et je me suis préparée gentiment. Ensuite, le petit déjeuner. Je ne mange pas beaucoup le matin sinon je ne me sens pas très bien durant toute la journée. Donc en général c'est juste un petit pain et un verre de jus de fruit.
Suite au rituel matinal, mon regard s'est posé à la fenêtre. Le temps n'étant pas trop mauvais, je me suis dit que faire une petite balade avant de travailler ferait du bien. Direction la salle de bain afin de me débarbouiller un peu, brosser les dents et quelques touches de maquillage. Me voilà prête pour commencer la journée qui s'annonce longue. Ce n'est pas que je n'aime pas mes boulots, sauf que parfois — dépend des jours — n'ayant pas beaucoup de client le temps passe au ralentit. Je préfère avoir des journées chargées et que les heures passent vite que de me tourner les pouces à rien faire et trouver le temps long. Bref. C’est parti !
A peine dehors, le temps changea brusquement. Bon, il ne fait pas froid mais, n’ayant déjà plus de soleil, ça m’a démotivée. Je suis quand même allée un moment dans le parc vu que je suis sortie un peu plutôt pour ça. Mais je ne me suis pas éternisée. Je suis passée tout droit sans m’arrêter sur un banc.
L'heure tourne, va falloir que j'aille travailler dans quelques minutes. Heureusement pour moi, la boutique n'est pas loin. J'ai donc fait demi-tour et me suis dirigée à la confiserie. La patronne était déjà à l'intérieur.
▬ Bonjour. Vous allez bien ?
Je ne sais pas pourquoi je pose encore cette question, la patronne pète tellement la forme à chaque fois, qu'il est inutile de demander. Sûrement un réflexe de politesse.
▬ Je vais poser mes affaires dans l'arrière-boutique. J'arrive.
La journée allait enfin pouvoir commencer. Comme tous les matins, je mets en place les nouveaux bonbons, regardant si tout est propre et prêt pour ouvrir. Et comme toujours, tout est parfait. La confiserie était donc ouverte et les premiers clients commencèrent déjà à entrer.
▬ Bienvenue à Sweet's Hour !

Le matin, contrairement à ce que pourraient penser les gens de la part de quelqu’un vivant de cambriolages et autres larcins, ce n’est pas si paisible que ça. Certes je n’ai, dans l’absolu, pas d’horaires à respecter. Mais dans mon cas bien précis, j’ai souvent un gosse qui trouve que c’est une bonne idée de se servir de mon ventre comme d’un trampoline. Et même s’ils font 30kg tout mouillés, bah ça suffit à me réveiller de force. Et ils l’ont bien compris ces petits diables. Ils ont aussi compris que, comme je ne tiens pas à lever la main sur eux, ils avaient le champ libre pour faire ça. Mais bon, je dois avouer que je préfère ça plutôt qu’ils profitent de mon sommeil pour faire des bêtises ou tenter des sorties en ville sans surveillance. Donc bon, il m’aura fallu un temps d’adaptation, mais finalement on s’y fait.

Bref, je vous raconte ça, mais ce matin, à ma grande surprise, ils ne l’avaient pas fait. Et tant mieux, hier soir j’avais rempli la tirelire à ma manière. Le cochon en porcelaine qui trônait dans une planque dans la cache où l’on vivait (ouais, pas que les gosses piquent les sous pour aller faire n’importe quoi), avait donc pris beaucoup de poids, mais moi, j’étais rentré tard. Deux heures de plus le matin étaient donc la bienvenue. A mon réveil, je m’aperçus que les enfants avaient changé leurs habitudes et avaient préféré se mettre autour d’un jeu ensemble. Ils avaient également dû se réveiller plus tard que d’habitude. Bien que n’étant pas un expert de ce jeu avec les singes retenus dans un arbre par des pics de couleur, leur partie ne semblait pas très avancée. Du coup, puisqu’ils étaient calmes, je pris un rapide déjeuner, quelques pièces dans la tirelire, puis je sortis en laissant sur la porte le traditionnel papier « je reviens ».

J’avais appris les rudiments de la vie avec les enfants il y a un moment, et je savais que si je voulais qu’ils me laissent dormir plus souvent comme ça, les récompenser pour ce comportement était la bonne solution. J’étais donc parti en quête d’une confiserie, parce qu’ils adorent les bonbons. Finalement, dans ce temps assombri par des nuages légèrement grisés, une enseigne aux couleurs flashies attira mon œil. « Sweet’s Hour ». Même si je ne venais pas d’Amérique, je n’aurais pas eu de mal à comprendre que c’était exactement ce que je cherchais. J’entrais donc dans la boutique, trouvant là un étalage non moins coloré et une vendeuse aux cheveux qui suivaient également le thème. Et coup de bol, il n’y avait pas d’autres clients. Ce serait rapide comme ça. Après un rapide coup d’œil aux bonbons proposés sur l’étalage, je m’avançais et pris commande.

« Bonjour ! Alors je voudrais une dizaine de rouleaux de réglisse, une douzaine de sucettes et 5 de ces espèces de grosses fraises tagada s’il vous plaît. »

La première personne de la journée n'est autre qu'un jeune homme ayant une drôle de coupe de cheveux. Moi qui pensais être la seule à avoir une teinture des plus étrange, c'est plus le cas. Il s'est approché de moi, ou plutôt du comptoir et fit part de sa commande.
▬  Bonjour ! Alors je voudrais une dizaine de rouleaux de réglisse, une douzaine de sucettes et 5 de ces espèces de grosses fraises tagada s’il vous plaît.
Je lui ai souris.
▬ Bien entendu. Vous voulez que je mette tout dans le même sachet ou faut-il séparer les bonbons ?
Ça peut paraitre étrange comme question, mais certaines personnes n'aime guère les bonbons mélanger à cause de certaines odeur ou le gout qui se mélange.
J'ai donc pris les bonbons à l'aide d'une petite pelle exprès pour et les mis dans un sachet en plastique. Une fois ceci fait, je les ai posé sur le comptoir et lui dis le montant qu'il me devait.
Une question m'est d'ailleurs passée par la tête : est-ce que ces bonbons était tous pour lui ou pour des enfants ? Pour avoir la réponse, je me suis mise à le regarder, toujours en souriant et lui demanda :
▬ C'est pour des enfants ? Si je demande ça, c'est parce qu'on offre une sucette au choix par enfant.
Il semble un peu jeune pour avoir des mômes mais, il a peut-être des frères ou des sœurs, qui sait.

La première question de la vendeuse réveilla indirectement mes instincts de voleur. Pourquoi me direz-vous ? Plus on a de sacs, moins on a de chances de tout se faire voler d’un coup. C’est déjà assez compliqué parfois d’arracher un sac à quelqu’un, alors trois c’est même pas la peine. De toute façon, même en essayant y aura toujours un ou deux sacs qui se contenteront de tomber par terre. Sauf si on s’appelle Robin des bois et qu’on est capable de viser pile dans les six poignées. Mais c’est pas mon cas, et encore moins celui des autres voleurs. Enfin bref, comme elle était déjà en train de piocher les bonbons, il fallait que je réponde.

« Je préfèrerais dans des sacs différents s’il vous plaît. »

Le temps qu’elle finisse de tout récupérer, je triturais les pièces dans ma poche en regardant les prix. J’espérais avoir assez, quitte à sortir à découvert comme ça, mieux valait éviter les scandales. Les pièces illusion, il y en a qui sente la différence rien qu’en prenant celles-ci dans la main. Et le coup de la fausse carte bancaire, outre qu’elle soit plus compliquée à mettre en place (générer la carte, l’écran de paiement accepté, et le ticket) ne marchait que quand on me tend la machine, donc une fois sur deux. Mais avant que j’aie eu le temps de finir mon calcul, la fille aux cheveux verts m’interrompit en me posant une nouvelle question. Des sucettes gratuites. Bah, on va pas dire non à quelque chose de gratuit. C’est très bien la gratuité. Après avoir recompté rapidement, je pus lui annoncer :

« Oui c’est pour des enfants, et il y en a 5. Pour ce qui est des parfums… »

Fallait-il encore que je me souvienne les goûts de chacun. Il y en a un qui adore le Coca-Cola, c’est sûr, mais les autres… Enfin au pire avec les douze autres, ça devrait passer. Mais bon, si je pouvais me rappeler ce serait quand même mieux.

« Alors… une au Coca… »

C’est pas possible ça… C’est pourtant pas la première fois que je prends des sucettes pour eux. D’un coup, la fraise me revint en mémoire, mais je sentais que ce serait tout. Il était donc temps d’utiliser le joker.

« Une à la fraise, et pour les autres je m’en remet à votre choix. »

Ca pourrait faire genre je ne sais pas quoi faire, mais j’avais encore un atout dans ma manche.

« Je vois des parfums que je n’ai jamais vu ailleurs, alors autant tester de nouvelles choses. »

Et en plus c’est pas totalement faux, ayant plutôt l’habitude de traîner dans des boutiques moins fameuses, les choix sont fatalement plus restreints.

Comme l'a demandé le client, j'ai placé chaque type de bonbons dans un sachet différent que je lui ai donc passé par la suite. Quant à ma seconde question, celui-ci me répondit qu'ils étaient en effet pour des enfants et qu'il me laissait le choisir pour le goût des sucettes. A part pour deux que j'ai directement pris en main.
▬ Hm. Alors, je conseillerai celle au miel, aux raisins et à la barbe à papa. Est-ce que ça irait ? Ou y a-t-il un parfum que les enfants n'aimeraient pas ?
En parlant d'enfants, je me suis demandée si il s'agissait des ses frères et sœurs ou de pauvres orphelins. Je n'ai cependant pas eus le courage de lui poser la question. C'était beaucoup trop personnel.
Le temps qu'il me réponde, une cliente était venue au comptoir afin de me poser une question.
▬ Excusez-moi, où sont les bonbons ayant un goût piquant, s'il-vous-plaît ?
J'ai souris et lui ai montré du doigt où ce qu'ils étaient.
▬ Ce sont ceux du fond, là-bas. Ils sont soit par pièce, soit nous avons un sachet contenant un mélange de tout ceux qui sont piquant, si cela vous intéresse. Je vous laisse donc d'abord regarder par vous-même.
▬ Merci.
Je suis revenue sur le jeune homme.
▬ Désolée. Ou en étions-nous ? Ah oui. Vous comptez prendre ceux-ci ou vous désirez d'autres parfums ?

Comme demandé, la vendeuse commençait à mettre les bonbons dans des sachets tout en me proposant certains des parfums originaux que le magasin proposait. Du concentré de sucre à première vue, excepté le raisin. Mais bon, ils adorent ça, le sucre, donc ça ne les dérangera pas le moins du monde. Mais avant que j’aie eu le temps de lui annoncer que ces parfums ne posaient pas de problèmes, une autre cliente débarqua dans mon dos pour poser une question. Je passerai sur le fait de s’incruster comme ça alors que, même si elle voulait regarder ses bonbons avant de passer à la caisse, rien ne la pressait (enfin à ce que je sache), pour simplement me dire que ça devait pas être facile tous les jours de gérer la boutique seule.

Enfin, l’interruption ne dura que quelques instants. La cliente avait apparemment été juste un peu trop flemmarde pour regarder d’elle-même les étalages à la recherche de ses bonbons piquants. D’aucuns me penseraient un peu cinglant, mais bon, j’aime pas trop ce manque de respect (dixit le voleur, je sais). Enfin, au moins elle avait fait ça poliment et rapidement, faut voir le bon côté des choses. Bref, la vendeuse revint donc à moi, redemandant si ça irait ou si je voulais d’autres parfums. Bien qu’ayant pesté intérieurement contre l’autre cliente, j’avais pris un peu de temps pour jeter un œil plus averti au reste. J’allais donc demander d’autres parfums quand tout à coup…

« Haut les mains, ceci est un hold-up ! »

Malgré l’ordre donné, je me retournais rapidement avant de m’exécuter pour voir ce qui se passait, bien que j’avais reconnu la voix. La cliente, dont je n’avais pas daigné regarder le visage précédemment, était coiffée d’un grand chapeau, et avait son foulard qui cachait une partie de son visage. Mais surtout, elle tenait maintenant entre ses mains un pistolet. Il ne me fallut pas plus d’une seconde pour comprendre que sa demande précédente était une façon détournée de jeter un œil à où se trouvait la caisse et son contenu. Mais bon, bien qu’elle avait fait l’effort de cacher un maximum son visage de façon naturelle, je lâchais un soupir de désespoir. Braquer une confiserie, sérieusement ?

« Qu’est-ce que tu as toi ? »

Et sans que je le voie venir, un talon s’enfonça dans mon ventre, me coupant la respiration pendant quelques instants et me forçant à me mettre à genoux. Dans un lieu aussi confiné, je n’avais pas eu le temps de réagir, et malgré mes à priori, elle ne semblait pas être une débutante.

« Bon, maintenant, la caisse. »

La braqueuse se dirigea vers le comptoir, en faisant le tour pour atteindre la caisse. Malgré le mal que me faisait mon ventre, je décidais de tenter quelque chose. Me concentrant du mieux que je pouvais, je tentais de matérialiser derrière le comptoir un petit chevalier de la taille du meuble (qu’elle ne s’étonne pas de ne pas l’avoir vu plus tôt), armé d’une épée et d’un bouclier, et dont la tête se révélait n’être qu’un crâne flottant dans une flamme bleue. Celui-ci la fixerait de ses yeux vide, et si elle venait à tirer dessus, ça passerait à travers, et le chevalier commencerait à s’approcher, lame en l’air. Est-ce qu’il avait pris la forme voulue ou était-il difforme ? Aucune idée. Cela suffirait-il ? Aucune idée. Mais au moins, ça me laisserait le temps de faire autre chose, si besoin est. Un dragon ou une nuée de lances, on verra bien. De toute façon, elle devait bien être au courant de l’existence des étoiles, elle ne prendra donc pas la situation à la légère je pense.