On me demande parfois comment c’était la vie dans le ciel. Ah, mais j’aimerais bien te répondre, tu sais ? Malheureusement je n’en ai aucune idée.
Moi, je suis né il y a douze ans dans un petit village de campagne au Japon. C’était un endroit reculé des grandes villes, où tout le monde se connaît et vit dans une certaine routine tranquille … Alors la nouvelle d’une étoile atterrissant dans le champ des Nakagawa ne tarda pas à faire le tour de toutes les familles. Tous vinrent m’accueillir comme la petite curiosité, le truc incroyable qu’il fallait absolument voir … On me nomma « Kouki ». Pour « Lumière » et « Espoir », il paraît.

En tout cas, c’est sûr que j’étais différent. J’avais les cheveux roux alors que les autres étaient tous bruns. Au fil des années je finis même par être plus grand qu’une bonne majorité des villageois … Moi aussi, comme les autres, je finis par tous les connaître. Ils étaient vraiment gentils mais je me suis beaucoup plus attaché aux Nakagawa.
Cette modeste petite famille se composait simplement de Tomiko et Manami, sa fille aînée d’une quarantaine d’années. Elle avait aussi une sœur, Ran, qui habitait en ville avec son mari ainsi que ses deux enfants : Noa et Chouko. Ils passaient régulièrement et nous partions parfois en vacances ensemble … Ah, c’était amusant. Je dois avouer que je ne me voyais pas quitter cette petite vie, bien que j’étais plus que conscient que j’en serais obligé. J’étais une étoile après tout.

La majeure partie de mon temps, je le passais avec Manami. Fleuriste au village, je la suivais docilement et l’écoutait attentivement. Elle était incroyablement douce et m’a appris beaucoup de choses … Je ne suis pas allé à l’école comme les autres enfants, traînant près des pots de fleur et du terreau. Mais ça ne veut pas dire que je ne connais rien. Enfin, une fois pour me faire découvrir comment ça se passait (et sécher), Chouko m’a fait secrètement prendre sa place à l’école. C’était amusant jusqu’à ce qu’un contrôle surprise ne tombe … Haha.

Enfin bon. Voilà. Ce sont tout pleins de bons souvenirs que je garde dans un coin de mon crâne. Mais je ne compte pas retourner au village …

Ma place est à Hoshikami, après tout ...

---

Un soulagement intense libéra sa poitrine lorsqu’il put s’écraser sur son lit. Enfin il était de retour à la maison … tout irait pour le mieux. Tout redeviendrait normal. Tout … n’est-ce pas ?

Mais non. Les doigts glacés du silence l’étouffèrent toute la nuit. Difficile d’échanger autre chose que des politesses avec Grand-mère… Il s’en voulait de ne pas avoir eu la force de lui sourire, de faire des efforts pour briller. Peut-être que ça serait mieux passer ? Mais. Il ne savait pas. Perdu, brouillon, incertain. Ce fut sans manger, qu’il se dirigea vers la chambre et ne rouvrit les yeux qu’au matin.
Tout irait mieux demain.

Ou pas.

Mais. Pourquoi.

Planté là, dans la cuisine, les vêtements de son pyjama lui serrant la poitrine … Rien de bien méchant comparé à ce sentiment de malaise qui lui vrillait l’estomac. Rien ne de toute sa peine ne se laissait voir sur son visage souriant tristement, encadré de longs cheveux noirs.
En face de lui, Tomiko fixait les bols de riz.

« Je ne peux pas vivre sans elle … Je t’en supplie … »

La femme n’osa tenter de soutenir le regard de sa fille aînée.
Il avait vraiment envie de faire quelque chose. De l’aider. De lui accorder ce qu’elle voulait.

« Tu es folle, Grand-mère. »

Mais il ne pouvait pas. C’était simplement au-dessus de mes forces.
Kou tourna les talons, arracha le cheveu enroulé maladroitement autour de son doigt et commença à préparer ses affaires. De l’autre côté du mur, il percevait ses sanglots.

Pardon …

Pour la première fois dans sa courte existence, il sentait des larmes lui brûler les joues.

« Lumière » et « Espoir », hein ?

La sonnerie de son réveil vint le libérer de ce cauchemar qui le hantait depuis bien trop longtemps. Quasiment toutes les nuits, tel un vieux disque, l’événement refaisait surface et tournait, tournait dans sa tête. Il avait fait le bon choix en partant, se disait-il sans cesse. Le bon choix.
Grâce à un soutien moral et financier de Ran, Kou avait réussi à emménager à Hoshikami, là où était définitivement sa place. Là où il serait utile. Ne sachant faire que ça, il trouva même du travail chez un fleuriste. Tout s’annonçait vraiment bien. Alors ... Continue de sourire.