Les rues, le brouhaha incessant, l'air joyeux et coloré malgré cet hiver froid qui planait sur la ville. Les vitrines, les rues, même les lampadaires, les rond-points et les fontaines avaient eu le droit à leur habit lumineux spécialement sorti pour Noël. Les grand axes principaux de la ville étaient bondés de monde alors qu'il y faisait un froid glacial, pourtant une certaine chaleur se dégageait de toute cette agitation soudaine. Nous étions le vingt-quatre décembre en début de soirée. Des gens croulaient sous les paquets, d'autres étaient affolés à l'idée de n'avoir pas trouvé le dernier élément pour parfaire leur soirée, pour apporter la touche finale ou tout simplement tout acheté. Les restaurants étaient bondés, pleins à craquer alors qu'il fixait de son seul œil ces vitrines au couleur de l'hiver, ces restaurants aux tables enviées. Heureusement qu'il avait réservé bien à l'avance. Il avait même prit le soin de réservé avant même d'avoir un plan « définitif » de l'organisation de la soirée. Annuler une réservation est toujours plus simple que d'en trouver une au dernier moment en catastrophe. Surtout qu'il avait une idée bien précise de l'endroit où il voulait l'emmener, c'était un restaurant qu'il appréciait beaucoup, on y était au calme même si la salle était pleine, l'animation n'était pas dérangeante, le bruit ne s'imposait pas et le cadre était agréable, classe et simple. La cuisine elle, s'y faisait raffinée, les mets servis n'étaient guère exceptionnels par leur appellation mais le goût lui, était plus qu'étonnant parfois, dans chaque plat, il y a toujours cette petite note, cette petite touche du chef qui n'était pas annoncée mais qui était gardée bien au chaud pour que le client la découvre au moment propice et qu'il s'émerveille tout seul.

Bien sûr cela ne valait pas un grand restaurant gastronomique mais ce restaurant là n'était pas tout à fait classable selon le professeur. Ce n'était ni un traditionnel classique et encore moins un gastronomique...il était...entre les deux. Sûrement un semi-gastro, comme eux le disent si bien et encore, cela sonnait bien trop « hautain » et classe pour le cadre qui était plus que chaleureux et familial. Il n'y avait pas tout ces chichis et ces manières de venir ramasser la moindre miette de pain tombée sur la nappe, on ne vous annonçait pas chaque parcelle du plat avec cet air hautain et confiant qu'on demandait au serveur de porter, on pouvait même observer un verre d'eau vide tout au long du repas sans que personne ne vienne le remplir à peine la dernière gorgée avalée. Il n'y avait pas non plus ces tonnes de vins au choix, aux noms tous aussi incompréhensibles les uns que les autres et dont on vantait le millésime, le goût, la couleur et la saveur. Il n'y avait pas non plus cette fameuse note « La suggestion du sommelier » en bas du menu pour vous vendre des boissons hors de prix qui leur apporteront le triple, si ce n'est plus, que cela leur à coûté à l'achat. Pour sûr il y avait tous les éléments pour rendre le repas encore meilleur dans ces restaurants là, mais le compte en banque du professeur risquait de ne pas y survivre et il le savait très bien. D'ailleurs, il n'avait jamais été réellement fan de vin et il n'avait pas le palais ou le talent suffisant pour apprendre à apprécier des choses de bonne qualité. Il faut être franc, les vrais amateurs de vins ne fument pas, les gens sachant apprécier la gastronomie à sa juste valeur ne fument pas non plus car le tabac tue le goût. Mais peu importe, il préférait largement la bonne nourriture de son restaurant favoris à ses repas pris sur le volet chez lui, il n'y avait pas photo. Et puis, il lui devait bien ça, à son humain.

D'ailleurs, ils avaient légèrement dépassé le stade de la relation toute basique « humain/étoile » ils avaient traîné ensemble plusieurs fois, chacun s'invitant à boire un verre, à parler de tout et de rien. Ils avaient brisé une grande partie de la glace qui restait autour d'eux et étaient devenus un peu moins distants. Ils s'étaient organisés pour une soirée, le soir de Noël et Sasha avait pris les devant : ce soir c'était lui qui invitait. Il avait même pensé au petit cadeau et en avait d'ailleurs bavé monstrueusement pour le trouver. Il fallait le dire, trouver un cadeau pour quelqu'un de non-voyant n'était guère facile et il avait même opté pour le plus simple, un pull. Oui,c 'était simple, pas original et ça n'envoyait guère du rêve, mais voilà. Sasha n'a jamais été très très doué pour faire des cadeaux et ça ne changera certainement jamais.

Il s'était posé près de l'entrée du restaurant, leur point de rendez-vous. Il était bien à l'avance, un peu trop même, il avait encore un bon quart d'heure devant lui. Et il avait déjà eu le temps de fumé une cigarette. Il avait attendu quelques secondes, très courtes d'ailleurs, avant de sortir une seconde pour la porter à sa bouche et l'allumer. Il allait encore une fois sentir la cigarette à trois kilomètre mais il savait bien que, une fois installés à table, il n'allait plus pouvoir toucher à une seule d'entre elle pendant un long moment. Et Dieu sait ô combien il est dur pour lui de résister à cette envie de fumer ce poison dont il connaissait par cœur les effets néfastes. Il serrait son paquet de ses mans gelées, en fixant le doux ciel de Noël, patientant tranquillement.

La clé tourne deux fois dans la porte vitrée de l'immense gratte-ciel. Dans la brise légère et agréable de l'hiver résonne un léger déclic sec, synonyme de liberté pour les prochains jours de vacances. Planté là, seul face au bâtiment vide, je sens le poids de mon poste s'envoler de mes épaules tout comme le soleil qui se couche. La température, elle aussi, semble être partie vers des pays plus accueillants. Mes doigts frissonnent, et je viens vite les habiller de mitaines, trop usées pour encore réellement tenir aussi chaud qu'avant. Ah, je vais passer en racheter, pas question d'avoir un seul détail de travers ce soir, pour passer la soirée avec lui. Le costume classique que je porte aujourd'hui, surmonté d'une écharpe, est terriblement chic. Les employées n'ont pas manqué de me le faire remarquer, m'arrachant un sourire à chaque fois, à la pensée que cette année je peux me faire beau pour quelqu'un.

La rue est emplie d'éclats de voix, de rires, d'une chaleur humaine propre à la fête de Noël. Le long manteau qui m'entoure ~ Blanc comme la neige, selon la vendeuse ~ virevolte au rythme de mes pas vers un magasin repéré depuis quelques jours. Mes doigts nus poussent la porte en verre de ce dernier pour y entrer, à l'abris de ce monde glacé de l'hiver. Aussitôt, une voix masculine et sûre m'aborde, me salue. C'est cela, les boutiques de luxe, des vendeurs qui vous suivent partout pour s'assurer que vous ressortirez avec au moins plusieurs objets présentés là. La moquette sur le sol s'enfonce sous mes chaussures, tandis que je me dirige vers lui en expliquant ce que je souhaite. Des mitaines, tout simplement.Et puis... Oh, et puis c'est aussi une bijouterie, n'est-ce pas ? Puis-je aussi "voir" ces bagues pour homme que vous avez là ?
J'en retiens une en particulier. Son poids lourd dans ma main et la finesse des incrustations et des motifs qui y sont représentés lui plairont-ils à lui aussi ? Si le bijoux est bel et bien masculin, est-ce qu'il le mettra ? Oh, et puis après tout pourquoi pas.
On pourrait le croire, mais j'apporte plus d'importance que ça à son cadeau de Noël. La bague n'est qu'une babiole, la vraie surprise je l'ai déjà. Un long paquet fragile et protégé par des tonnes de papier bulle qui repose dans mon sac. Un cadeau qu'il m'a été presqu'impossible de trouver, avant de le découvrir par chance. Un cadeau qui, je le sais, lui fera plaisir au delà de tout. Après tout, pour m'avoir proposé de m'inviter au restaurant ce soir et pour le plaisir de passer Noël à deux, je lui dois bien ça.

Nous nous sommes organisés plutôt simplement. Un dîner entre amis, suivi d'un échange des cadeaux chez moi, sous le sapin. Rien n'est compliqué avec Sasha, c'est un de ses points forts. Il suffit qu'on s'appelle pour décider de se voir, et passer du temps ensemble à parler de tout et de rien. Jamais je n'aurai espéré m'entendre de cette manière avec mon étoile, un être qui dans mon esprit était à l'opposé de moi. De plus en plus, je réalise que les étoiles n'ont rien à voir avec le chaos qui a envahi le monde. La mortalité qui double, les assassinats anonymes... Ces horreurs sont l'oeuvre de l'étoile divine et du lien qu'elle nous impose. Peut-être que si nous n'étions pas liés, humains et étoiles nous pourrions vivre ensemble.

-Bonsoir, Sasha. On dirait que nous sommes tous les deux en avance

Et cette fois encore, je sens mon coeur accélérer ses battements à l'odeur du parfum pour homme et de la cigarette. Mes doigts, habillés de mitaines neuves, se tendent vers lui pour le saluer, tout comme le sourire qui habille mes lèvres. Sa journée s'est-elle bien passé ? Est-il content d'être ici ? Une multitude de questions s'imposent à mon esprit, rapidement rejetées par le vent glacial du soir qui tombe. Pourquoi n'ai-je pas mis un pull ?!

-Et si on entrait pour se mettre au chaud ?

Un petit sursaut à l'entente d'une voix s'adressant à lui, un petit sursaut qui l'avait tiré de ses pensées en manquant tout juste de le faire s'étouffer avec la fumée qui lui réchauffait la gorge. Il écrasa sur le sol sa cigarette avant de venir serrer de ses mains gelées, celle qui lui était tendue et qui était elle, toute protégée par une mitaine. Il sourit, légèrement avant de lâcher doucement un « Comme souvent, j'ai l'impression. » car c'était vrai, les deux hommes n'avaient jamais eu de problème de retard, bien au contraire, ils avaient souvent quelques minutes d'avance sur leur heure de rendez-vous.

-Et si on entrait pour se mettre au chaud ?

Quelle merveilleuse suggestion. A vrai dire, le borgne n'attendait que ça:rentrer au chaud. Depuis tout à l'heure, il ne faisait que de trembler à cause du froid et il n'avait qu'une hâte, rentrer et s'installer. Guidant l'aveugle en passant une main dans son dos, il glissa un petit « Attention aux marches » en arrivant à leur niveau. Une fois celles-ci montées tranquillement, il tira la porte vers eux, laissant passer tranquillement son « humain » avant de pénétré à son tour dans le restaurant déjà bien agité. Il poussa un petit soupir de soulagement quand la chaleur atteignit ses membres, les réchauffant clairement. Il tremblait encore légèrement et sa voix en témoignait bien alors qu'il confirmait à la jeune serveuse venant les accueillir qu'il avait bien réservé une table bien précise, dans un coin un peu plus calme et légèrement à l'écart de tout ce remue ménage qu'on leur indiqua bien vite. Ils s'installèrent tranquillement, on leur avait tendu les cartes des menus de tous les jours, la carte des vins et on leur avait annoncé le menu de Noël qui n'était affiché nulle part, on ne pouvait se fier qu'à l'énoncé de la jeune serveuse. Quand elle eut l'envie d'annoncé le prix, le borgne lui fit un signe de ne rien dire de plus, c'était lui qui invitait et l'aveugle ne devait rien savoir du tarif après tout, il avait la possibilité de caché ça alors, autant en profiter. Alors avec un sourire, il avait juste interpellé la jeune femme et montré qu'elle devait garder le silence en plaçant un doigt devant sa bouche en hochant la tête de droite à gauche. C'était une question de principe après tout, les cadeaux ou les invitations sont plus appréciables quand on en connaît pas la valeur.

Le borgne se gratta la nuque en réfléchissant devrait-il commander du vin ? Oui, bonne idée, ça serait bien, même si lui il ne savait guère apprécier ça, Lucian, lui, il devait aimer. Enfin il espérait car le borgne était déjà en train de faire un test de connaissance en sommellerie à la jeune femme qui semblait plutot avoir été bien brieffée à ce sujet là et l'échange fut relativement rapide. Et ça s'était conclut par un apéritif, coupe de champagne ? Bien sûr. Ce n'est pas tout les jours Noël et quitte à faire souffrir son compte en banque, autant le faire souffrir pour quelque chose de bien.

Les flûtes sur la table, le brun leva son verre pour venir le faire tinter avec celui de son « humain ».
« Joyeux Noël ! » Depuis combien de temps il n'avait pas dit ça à quelqu'un qui était en face de lui, bien réel ? Un sacré bout de temps. Car les personnes a qui il souhaite Noël sont généralement assez éloignées. Non, en fait, il n'y en a qu'une de personne réellement importante et celle-ci réside en Allemagne alors il pouvait toujours se gratter pour le fêter à ses côtés.

« Ta journée s'est bien passée au moins ? Pas trop secoué par l'euphorie de Noël ? »

Il disait ça comme ça, parce qu'il voyait bien que les gens étaient tous hyper heureux, hyper actifs à l'idée de fêter Noël même si certains étaient stressés à l'idée de devoir préparer le réveillon directement en sortant du travail.